University Party

feat @Kealann Wardell

Les griffes naissantes dans le prolongement de ses doigts, celles-là mêmes qui avaient agrippé et lacéré (superficiellement) l'avant-bras de son rival tantôt, avaient laissé place à de véritables griffes - bien plus longues et menaçantes. Les crocs qui avaient brutalement percé ses gencives et éraflé le bas de ses lèvres avaient, quant à elles, laissé une inflammation qui, en comparaison avec celle qui irradiait son corps tout entier, pouvait paraître presque futile. Indolore ? Pourtant, ce n'était guère le mot qui lui serait venu à l'esprit en cet instant si particulier. Si difficile. En fait, c'était même tout le contraire. La douleur était vive et bel et bien réelle. Si bien qu'il aurait voulu l'oublier, la faire disparaître. Mais il avait la désagréable impression que : plus il luttait, plus il souffrait. Peut-être devait-il simplement céder sa place à la bête pour se libérer de ce fardeau si douloureux ? Mais qu'adviendrait-il de son bel inconnu s'il le faisait ? Il était comme lui, c'est vrai. Mais il n'avait aucune envie de s'en prendre à lui, de lui faire du tort, du mal... Non. Son être tout entier désirait le toucher, c'était exact, mais point de cette façon. Il n'espérait aucune brutalité entre eux - du moins, pas de ce genre.

(...)

Plus loin, il entendit très clairement le cliquetis d'un verrou que l'on venait de sceller. Pourquoi était-il toujours là ? Pourquoi diable prendre le risque de s'enfermer ici, avec lui - dans ce piteux état ?

« Je t'en prie... »

Suppliait-il. Mais son alter ne l'écoutait point. Non pas par ignorance, mais plutôt par empathie ou simplement parce qu'il préférait se laisser guider par son instinct ? Précautionneusement, il s'approcha alors de lui, lui expliquant que le seul moyen de calmer son loup et de, peut-être, parvenir à stopper sa transformation, était de trouver son ancrage. Quelqu'un ou quelque chose qui lui rendrait son humanité. Alors, tout naturellement, ce fut l'image de sa mère qui imprégna son esprit. Mais cette pensée n'eut guère l'effet escompté... Son absence et les raisons qui l'avaient engendré, n'avait fait que nourrir un peu plus la colère qu'il essayait, en vain, d'étouffer.

« Je n'y arrive pas ! »

Balbutia-t-il dans un mugissement empli d'une rage nouvelle. Une rage qui pouvait aisément se lire sur son visage tordu, tant par les foudres qu'il essayait de contenir que par la douleur qui ne l'avait jamais quitté depuis le début de sa (semi) transition - qui semblait, d'ailleurs, touché à sa fin avec l'allongement de ses oreilles et l'apparition de poils plus longs et plus foncés allant de ses tempes jusqu'au bas-côté de sa mâchoire inférieure. Cette fois, il n'avait plus peur. Il n'avait plus mal. Il n'était même plus certain de ressentir quoi que ce soit. Il n'était plus lui-même. Faible. Lâche. Il avait laissé la bête monstrueuse qui sommeillait en lui se réveillait. Sous les traits de ce loup, que restait-il réellement de lui désormais ? Ce fut, semble-t-il, à cet instant précis que son bel inconnu avait délibérément choisi de s'approcher, on ne peut plus près de lui. Tel l'animal qu'il était à présent, il feula. Pourtant, il ne bougea pas. Pas d'un iota, comme si quelque chose en lui le retenait. Néanmoins, il sentait qu'il devait se faire violence pour cela. Que cette retenue ne tenait, hélas, qu'à un fil. Puis il sentit sa main, allait à la rencontre de la sienne et lorsqu'il entrelaça finalement ses doigts entre les siens - dans un calme olympien - il entendit, semblable à un écho, sa voix s'élever dans son esprit.

« Tu dois trouver ton ancrage.. Quelqu'un.. Ou quelque chose qui te rendrait humain. »

Prenant alors une profonde inspiration, il s'obligea à fermer les yeux. Retenant son souffle, l'espace d'un instant, il essayait - tant bien que mal - de se focaliser sur la main qui se trouvait dans la sienne. Lentement, il put sentir son rythme cardiaque s'amoindrir avec, paradoxalement, une étonnante rapidité avant de relâcher doucement l'air qui emplissait ses poumons. Il se surprit ensuite à sourire en se remémorant les premiers instants de leur rencontre. Une rencontre aussi fraîche et agréable que la douceur d'une brise en été. Il se souvient de ses regards, de ses sourires. De son toucher. De ses lèvres se pressant lascivement sur la peau de son cou... Ou encore du tendre baiser qu'il lui avait chastement donné en le déposant à la commissure de ses lèvres.

Il n'avait pas trouvé quelque chose.
Il avait trouvé quelqu'un. Il avait,visiblement, trouvé en lui, le point d'ancrage qu'il cherchait si désespérément.

À ce moment-là, seulement, son palpitant sembla s'adoucir plus nettement. Du moins... S'emballer pour une tout autre raison que la colère qui s'était éprise de lui jusqu'ici. Craignant alors d'ouvrir les yeux trop tôt et de gâcher le peu de tranquillité qui cheminait lentement, mais sûrement en lui, Cilian les maintient clos encore un moment. À la place, il ramena leurs mains liées tout contre sa poitrine en prenant garde de ne pas l'entailler de ses griffes qu'il n'avait pas encore réussi à rétracter.

« Merci. »

Lui souffla-t-il simplement tout en se laissant retomber lourdement sur le rebord d'une fenêtre qui trouvait là. Il savait au fond de lui que ce n'était pas fini, que le loup n'avait pas dit son dernier mot. Que la pleine lune était pour bientôt et qu'il allait devoir revivre ce même calvaire - en endurant probablement bien pire, sous les effets de cette lune qui se feront plus denses d'ici à deux jours... Mais ce soir, il était reconnaissant. Reconnaissant pour cette rencontre, pour le calme, la patience et la tendresse dont son alter avait fait preuve à son égard, mais aussi et surtout pour sa présence auprès de lui. D'avoir pris le risque de rester, en dépit du danger qu'il représentait et qu'il était sans doute encore à l'instant T - à moindre mesure peut-être, mais un danger tout de même..