Il n'avait pas cours aujourd'hui, ce qui ne signifiait rien d'autre qu'un week-end en perspective. Et qui disait week-end, disait aussi - obligatoirement - un passage chez Enzo, son meilleur ami. Pour être honnête, Cardan n'aimait pas beaucoup se rendre là-bas, enfin, il n'aimait pas y aller lorsque le père de celui-ci y était. Mais dans la mesure où Enzo lui avait d'ores et déjà annoncé que ce dernier était actuellement en déplacement et qu'il ne rentrerait avant quelques jours, Cardan avait consenti à le rejoindre directement là-bas après sa séance d'entraînement matinale avec Sunny.

Cardan avit toujours haït son propre père et ne l'avait jamais réellement reconnu comme tel. C'était Sunny son père, point à la ligne. Depuis toujours cela avait été ainsi et il n'en serait jamais autrement, en ce qui le concernait. Il avait toujours eu du mal avec les hommes qui abusaient et qui aimaient abuser de leur autorité, de leur force ou du semblant de pouvoir qu'ils pensaient avoir sur les autres. Et c'était précisément pour cette raison qu'il avait en horreur le père d'Enzo. Il lui rappelait beaucoup trop Aloïs et tout comme lui, celui-ci prenait un malin plaisir à malmener son fils sous couvert d'entraînement. Cardan détestait cela. Il avait beau essayé de faire entendre raison à son ami, malheureusement, et même s'il soupçonnait que lui aussi savait déjà que ce genre de comportement n'était guère à son égard n'était pas normal, il n'avait pas encore trouvé en lui suffisamment de force ou de courage pour lui tenir tête.

(...)

Quelques snacks en mains, il se tortilla habilement pour sonner à la porte sans en faire tomber un seul. Sans doute, aurait-il - aurait-il - fourré tout cela dans un sac, pourquoi diable n'y avait-il pas pensé avant ?

- Ciao Moretti.
Lança-t-il alors qu'il ne tarda pas à découvrir, non sans un agacement palpable, sa lèvre fendue. Il n'en dit rien, pour ne pas l'accabler à peine était-il était arrivé, mais il n'en pensait pas moins.

En termes de père abusif, Cardan en connaissait un "rayon" - notamment pour avoir subi le joug de son propre père lorsque celui-ci foulait encore cette terre.

Ayant grandi sans avoir véritablement eu la chance de connaître sa mère - décédée lorsqu'il n'était encore qu'un enfant - Cardan avait été élevé par Aloïs et Sunny. Mais la vérité, c'était qu'il avait toujours détesté son père biologique. Sunny était le seul père qu'il désirait, la seule figure paternelle qu'il avait choisie. Ce qui, en soi, pouvait d'ores et déjà en dire long quant à la relation qu'il pouvait entretenir avec ce dernier de son vivant. Avec Sunny, c'était différent. Bien qu'il pût être sévère lui aussi et qu'il avait continué de l'éduquer selon les mœurs des chasseurs, de sa famille - et ce probablement avant toute autre chose - Cardan n’avait jamais eu à remettre en cause le lien qui les lie l'un à l'autre tout simplement, parce que Sunny ne le lui avait jamais donné de raison de le faire.

Tout cela pour dire finalement, qu'il n'était que trop bien placé pour savoir ce que c'était que d'avoir un père détestable - car, à ses yeux - c'était tout ce que représentait le père d'Enzo. Un être méprisable qui n'avait de père que le titre - et encore... Bien qu'il pût être sévère lui aussi et qu'il avait continué de l'éduquer selon les mœurs des chasseurs, de sa famille - et ce probablement avant toute autre chose - Cardan n’avait jamais eu à remettre en cause le lien qui les lie l'un à l'autre tout simplement, parce que Sunny ne le lui avait jamais donné de raison de le faire.

- Il n'y a jamais assez de "trucs" à grignoter. Va pour une pizza.

Un peu frustré en voyant son ami avaler ses antidouleurs, presque aussi naturellement que s'il venait de s'enfiler des Haribo, il se contenta de serrer les dents. Il ignorait s'il parviendrait à se contenir encore longtemps, mais dans le doute, il sortit simplement son téléphone portable afin de commander cette fameuse pizza.

- Un film, why not ?

Jouer ? À moins que ce ne soit des jeux de société, ce n'était pas réellement son truc, mais ça, Enzo le savait. Il avait donc sûrement une idée en tête en le lui proposant, mais Cardan n'était pas vraiment d'humeur. S'entraîner, eh bien, comment dire ? Il avait déjà eu sa dose d'exercices auprès de Sunny, le matin même et lui... Eh bien, on pouvait aisément penser qu'il en avait eu plus qu'assez lui aussi. Songeur, il laissa finalement son regard flâner sur les nombreuses bouteilles de jus de fruits mis à leur disposition. Sans trop y réfléchir, il se saisit d'un jus de pomme avant de se débarrasser du bouchon. Il n'eut guère le temps cependant d'en boire une gorgée que, déjà, la question d'Enzo le fit sourire. Ce n'était pas temps la question en elle-même qui était amusante, mais plutôt les nombreux sous-entendus qui l'emplissaient.

- J'ai vu un joueur s'assommer avec sa propre crosse, enfin... Presque.

Rétorqua-t-il amuser alors qu'il se remémorait la scène sans grande peine.